Voyageant en Italie, Théophile Gautier s'est livré à quelques savoureuses réflexions sur le torchage, rêvant d'être le bout de papier qui servit à torcher une belle chanteuse, comme il l'écrit dans ses Lettres à la Présidente (madame Sabatier) :
« Dans ce même Milan, à l'hôtel de la ville, dans les lieux, qui perdent leur nom, et s'appellent jardins, par un euphémisme de bon goût, d'où l'on a fait jardiner, pour chier, nous avons trouvé un sonnet déchiré en deux, à la louange de l'incomparable Sofia Cruvelli, célèbre chanteuse, parfaitement inconnue.
Qui pouvait posséder assez d'exemplaires de cette précieuse poésie pour s'en torcheculatiser de la sorte, si ce n’est la Diva elle-même? Le sonnet était de la force d'une robe de chambre de papillotte, mais ce qui le rendait sans prix, c'était une touche d'un roux doré, très riche, très chaud, rappelant les terres de Sienne, les momies et les bitumes les plus titianesques ; il n'y avait point de pépins de figues dedans, mais un poil d'un noir très bleu, très dru, très crespelé, qui fit délicieusement errer mon imagination érectile des hauteurs crêpues de la motte, jusqu'au soleil des poils épanouis autour de la rose mystique, par les soupirs d'un ventre mélancolique.
J'enviais le sort de ce papier, qui avait traversé ce fauve entrefesson, frôlé ce boyau culier, effleuré ces badigoines couleur de chocolat, et chatouillé ce clitoris au capuchon cuisse de créole; et, tout en allongeant mon prépuce comme un bout de savate, je filai, avec une glaire aussi limpide qu'un cheveu de cristal, le quatrain suivant :
Heureux jardin qu'elle bêcha!
Heureux privé qu’elle enfourcha!
Heureux papier qu'elle tacha!
Heureux sonnet qui la torcha ! »
En matière de torchage, c’est encore Garguanta, le héros de Rabelais, qui va le plus loin. Il existe, selon celui-ci, de multiples façons de s’essuyer le fondement. Après avoir essayé un foulard de demoiselle, un chapeau, un cachecou, des oreillettes de satin, un bonnet de plage, Garguanta raconte à Grandgousier ses mésaventures avec un jeune chat trouvé derrière un buisson :
« …mais ses griffes m’ulcérèrent tout le périnée. De ceci je me guéris le lendemain, me torchant des gants de ma mère bien parfumés…
Puis je me torchai de sauge, de fenouil, d'aneth, de marjolaine, de roses, de feuilles de courges, de choux, de bettes, de pampre, de guimauves, de bouillon-blanc, de laitue et de feuilles d'épinards...Gargantua continue son ahurissante énumération... et finit par dévoiler son ultime secret :
« Puis je me torchai aux draps, à la couverture, aux rideaux, d'un coussin, d'un tapis, d'une nappe, d'une serviette, d'un mouchoir, d'un peignoir...
Je me torchai de foin, de paille, d'étoupe, de bourre, de laine, de papier... D'un couvre-chef, d'un oreiller, d'une pantoufle, d'une gibecière, d'un panier - mais ô le malplaisant torchecul ! - puis d'un chapeau...
Puis je me torchai d'une poule, d'un coq, d'un poulet, de la peau d’un veau, d'un lièvre, d'un pigeon, d'un cormoran... Mais entre tous, vous découvrirez - sur mon honneur - qu'il n’y a tel torchecul qu'un oisillon bien duveteux. Pourvu qu'on lui tienne la tête entre les jambes. Vous sentirez au trou dit cul une volupté mirifique, tant par la douceur du duvet que par sa chaleur tempérée, communiquée du boyau cullier jusqu'aux coeur et cerveau. »